Je t’attends Comme une sentinelle aux voiles ramifiées Un pin au milieu de l’hiver Dont je lis les gerçures au moindre soubresaut du noroît Le panache en berne et têtu à en crever
— La sentinelle
Chante, bédouin, chante. Ce que tu prends pour un château de cartes, ils appellent ça l'économie mondialisée. À la base, tout un peuple en prison dans un libre marché. Au sommet, une poignée de cheiks en blanc occupés à spéculer, spécialistes de l'import-export de peuples. Après les chameaux, les perles et le pétrole, ils ont trouvé une nouvelle ressource à exploiter, inépuisable celle-là : ils font le commerce du désespoir.
— Dubaï, cité artifice
Nous avions tout le temps d'apprendre à nous aimer Dans le tanin vermeil d'une potion fumée Sur tes lèvres fumantes Dans une cave exsangue Un alchimiste est mort De n'avoir pas su recréer ton parfum
— Un frisson
... et l'esprit mellifère de ces savants artistes a laissé dans l'ombre des pinacles, dans les pigments des fresques, dans les frondaisons fortifiées, la trace indélébile de l'homme universel.
— Dans la ruche florentine
Un tatouage de cendres et de sang Testament désincarné S'échappe de sa hanche Et s'encage sur la grille rouillée De cadenas en mal d'amour
— Une ombre en équilibre
À l’aube, elle a vu Shéhérazade quitter son palais en ruines. Elle l’a suivie dans le dédale délirant des ruelles dallées, le souffle court, entre un ciel enflammé de tapis volants et un sol jonché de jeunesse volée, traversant les faubourgs enfumés par des mauvais génies échappés de leur lampe, jusqu’au champ frémissant où elles se sont allongées. Elles ont ri avant de s’endormir dans les bras l’une de l’autre.